Petite analyse à l’issue des élections européennes de juin 2009

Publié le par Martin

1- la baisse continue du taux de participation à toutes les élections en France (et dans les pays d’Europe ? à préciser) depuis 30 ans indique une profonde crise de la démocratie libérale. La démocratie a du mal à s’exprimer par le biais de la représentation, et d’élections partisanes. Plutôt que de rejeter la faute sur les électeurs (« il faut leur expliquer que voter, c’est important ») ou d’essayer de mettre un pansement sur la blessure (en rendant plus sexy la politique, « nous devons changer et répondre aux aspirations des électeurs »), il faut examiner le phénomène comme tel, comme symptôme de la crise d’un système. Les nouvelles formes de la démocratie devraient dépasser (pas annuler) ces formes historiquement datées : le parti et la représentation. L’écologie politique est-elle en mesure de poser des jalons pour ce changement ?

 

2- l’échec des partis socio-démocrates partout en Europe ne peut être assimilé à un accident conjoncturel. Il correspond à une crise entamée depuis un certain temps, dont les signes sont apparus dans chacun des pays depuis quelques années : blairisme et crise d’icelui en Grande-Bretagne, centrisme schroderien, crise et émergence de Die Linke en Allemagne, dissolution en Italie, faiblesse de long terme en France…

C’est un faux paradoxe que de mettre en regard cette faiblesse et la crise économique en cours. La plate-forme politique de la social-démocratie est profondément liée à la démocratie libérale et au capitalisme plus ou moins régulé né au 20e siècle (comme la démocratie chrétienne) ; depuis 30 ans les sociaux-démocrates ont opéré une conversion au libéralisme qu’ils n’ont pas reniée (Helmut Schmidt, chancelier allemand SPD, dans les années 1970 : « les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain, et les emplois d’après-demain »). Intellectuellement et politiquement, ils ne sont pas mieux armés pour analyser et tirer les conclusions de la crise que la droite parlementaire. Celle-ci se maintient car elle est majoritairement au pouvoir en Europe, et bénéficie de la légitimité de ceux qui agissent (ou prétendent le faire) – d’autre part, ils ont un projet : le capitalisme, régulé selon les circonstances. Le tropisme culturel des sociaux-démocrates pour la régulation fait figure de résidu, pas de socle pour l’élaboration d’un projet nouveau de société. Contrairement à la droite qui a toujours structurellement le pouvoir, et n’est donc jamais anachronique, la social-démocratie est, elle, virtuellement anachronique. Ce qui ne présage pas de son avenir électoral (après tout cet anachronisme date d’au moins 30 ans).

 

3- les écologistes ne peuvent pas pavoiser, mais plutôt pâlir devant l’ampleur de la tâche qui les attend. Leurs échecs passés doivent leur faire comprendre qu’il ne faut jamais sous-estimer la difficulté de relever les défis posés par les succès électoraux ponctuels (et notamment les facultés de rémission des sociaux-démocrates, aux régionales en France notamment).

En France, les écologistes ont déjà fait très fort, et même plus fort que cette années : les régionales de 1992 (14%) avec une participation bien supérieure, sans que cela soit le résultat d’un dynamique strictement de campagne (l’essor avait commencé en 1989). L’année suivante ils se sont déçus eux-mêmes en tombant sous les 10% puis ont éclaté en 1994. Le succès était surtout déterminé par des facteurs extérieurs à eux-mêmes et leur cristallisation politique n’était pas suffisamment avancée / leurs divisions encore profondes d’où un accord de pure forme pour les législatives de 1993.

En 2009 le défi est d’autant plus grand pour les Verts que le succès électoral n’a pas été le leur. Il a été possible grâce au changement de l’image des écologistes, plus verts mais seulement en partie verts, et donc aussi, moins de gauche (d’où le ratissage d’une bonne partie de l’électorat centriste et même de droite). La question qui se pose est, quelle orientation politique veut-on pour l’écologie politique, dans l’hypothèse d’une nouvelle formation (verts élargis ou un hypothétique « France écologie »). Le personnel politique écologiste, en particulier les Verts, semble plus à gauche que son électorat potentiel. Dany Cohn-Bendit en représente l’aile, sinon la pointe, droite (bien que cette représentation des choses soit un tantinet simpliste, il ne faut pas non plus y renoncer totalement, c’est une source de problèmes indéniable). Faut-il maintenir le flou, faire figure de valeur ajoutée écologiste compatible avec le plus de choses possibles, notamment et surtout le centre-droit et le centre-gauche ? Développer une vision politique autosuffisante qui remette en question le clivage droite-gauche ? Le problème serait que la question des partenaires politiques se posera, quoi qu’il arrive, à moins de croire que l’écologie politique puisse devenir majoritaire à court terme (ou encore qu’elle veuille se cantonner à la marginalité). Ou bien développer une stratégie d’alliance privilégiée avec un certain secteur politique ? Dans ce cas, il s’agira le plus probablement du PS : faut-il alors monter avec eux dans l’ambulance ? Il me semble que le secteur qui nous est le plus proche, par sa marginalité mais également par son optique réformiste, et sa volonté de changement profond de la société et de l’économie, est la dénommé Front de gauche, qui est le seul à proposer l’élaboration d’un projet novateur en convainquant un tant soit peu (le seul également à parler d’antiproductivisme… même si le PCF grimace).

Evidemment les désaccords et les différences culturelles sont grands, mais partenariat ne signifie pas fusion. De plus, le PS est au moins aussi éloigné ; son seul attrait pour les écologistes est son statut de première force de gauche, pourvoyeuse de sièges et de responsabilités éventuelles (avec les résultats concrets que l’on sait : pas grand-chose).

Electoralement, on voit mal comment cela pourrait être payant. Les seconds choix des électeurs aux européennes montrent que la proximité n’est pas énorme.

Mais il ne faut pas surestimer la valeur et l’intérêt du champ électoral, surtout à court terme. Ce qui compte c’est l’hégémonie culturelle, ce qui suppose une cohérence politique de base, à partir de laquelle ont peut agir dans les domaines partisan, électoral, social, culturel, associatif, artistique même.

Le défi que les écologistes doivent relever c’est d’être à la hauteur des attentes des gens, et de la nécessaire rénovation de la démocratie. Conviction, transparence, cohérence, tous ces composants de l’éthique politique, sont des exigences primordiales. De même que d’autres fondamentaux de la culture politique écologiste : non cumul des mandats (dans le temps et l’ « espace »), non professionnalisation des élus, responsabilité et transparence de leur part, mécanismes de démocratie directe, pluralisme, délibérations, patience…

Publié dans Verts

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