A Black Guy to the White House, 1

Publié le par Martin


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Obama est enfin le "presumptive nominate" du Parti démocrate, c'est à dire, une sorte de statut mi-officiel mi-officieux intermédiare entre la probabilité extrême et la nomination acquise d'être le candidat de son parti à l'election présidentielle de novembre. Officiel ou presque, parce qu'une majorité absolue des délégués siégeant à la convention démocrate de septembre s'est engagée à voter sa nomination, soit car ils en sont légalement obligés, ayant été élus lors des primaires sur ce mandat impératif; soit parce qu'ils font partie de la majorité des 700 et des poussières "superdelegates" (personnalités et hauts responsables du parti) qui ont apporté leur soutien au sénateur de l'Illinois. Mais seulement probable, car précisément ces superdelegates ne sont soumis à aucune obligation formelle et peuvent très bien changer d'avis avant le moment décisif (de cette manière Obama a conquis le soutien de plusieurs ex-soutiens de Hillary Rodham Clinton ces dernières semaines, entre autres le candidat présidentiel de 1972, George McGovern). La sénatrice de New-York n'ayant pas encore renoncé à sa quête (et il est possible que son retrait prévu pour samedi soit rempli d'ambiguités, du type suspension et pas abandon, retrait et pas soutien, appel à l'unité type coquille vide), il n'est pas totalement à exclure que son combat continue dans les semaines qui suivent, ne serait-ce que sous roche, comme les anguilles, et donc que la nomination de Obama ne soit pas certaine à 100%.
Mais ce qui précède ne constitue qu'une précaution formelle. Franchement, on peut considérer que Obama comme John Mc Cain seront les candidats de leur parti respectif en novembre - à moins que l'impondérable ne leur joue un tour, du type infarctus.
Pourtant la précaution mentionnée de m'a bizarrement pas parue inutile. Il semble déplacé de proclamer la victoire incontestable de Obama, tant celle ci a été difficile, fatigante, et finalement, fragile. Mentionner les chance virtuelles de Clinton c'est aussi souligner sa force, présente et passée, et surtout son potentiel de nuisance - voulu et non voulu. De fait plus qu'un potentiel de nuisance, il s'agit d'une nuisance structurelle, ou plus précisement: un révélateur, un détonateur de nuisances.
La campagne de Hillary Clinton a objectivement fragilisé la candidature démocrate à la présidence des Etats-Unis. Paradoxalement, elle a plus fragilisé son option que celle de Obama, s'affichant comme une femme assoiffée de pouvoir prête à recourir aux méthodes les plus contestables pour s'en rapprocher (exploitation des propos politiquement incorrects du maintenant ex-pasteur de Barack Obama, comptabilisation pour le moins partiale du vote populaire à son avantage, etc.). Son obstination et sa véhémence à l'égard de Obama auront contribué à creuser le fossé au sein des partisans des démocrates, faisant courir le risque d'une faible mobilisation en novembre; son retrait tardif aura empêché l'organisation de la campagne finale et renforcé la stature de McCain, etc.
Mais d'un autre point de vue, Hillary Clinton a révélé certaines faiblesses de la candidature du "sénateur noir": faiblesses qu'elle a exploitées à son avantages, les agrandissant, mais qui existaient dès le départ. D'abord, le faible pouvoir d'attraction de Obama sur un secteur socioéconomique important: les classes populaires blanches. Celles ci sont decisives dans les Etats de la Rust Belt, touchés par la desindustrialisation, les Swing States par excellence, qui par leurs oscillations attribuent la victoire soit au démocrate, soit au républicain: New Hampshire, Michigan, mais surtout Ohio et Pennsylvanie. Lors des primaires, la candidate de New York a generalement raflé la grande majorité de leurs voix. Sociologiquement, Obama s'appuie essentiellement sur la bourgeoisie culturelle urbaine (les "liberals"), les jeunes progressistes, et les noirs. Malgré le fait que les positions de Obama sur la thématique socio-économique (si tant est qu'elles aient la moindre signification en ce qui concerne son futur agenda de gouvernement) soient légèrement plus à gauche que celles de Clinton (excepté l'assurance maladie), son image de colombe en affaires étrangères, son style supposément out-of-touch et, aussi, son nom et sa couleur de peau, posent problème avec les classes popualires et les blancs en général. Une nuance: Les démocrates ont toujours, ces dernières décennies, nettement perdu la majorité du vote blanc face aux républicains; leurs succès présidentiels ont pour facteur décisif le soutien qusi unanime des votants noirs.
Ce qui nous amène à souligner deux aspects de sociologie électorale qui devraient au contraire être favorable au candidat démocrate en novembre. D'abord, la difficile situation économique que traverse les états-uniens modestes. La crise économique, d'une part, et l'impopularité des poitiques fiscales (baisse des impôts pour les plus fortunés, comme des prestations sociales) de l'administration républicaine, d'autre part, risque d'avantager le discours interventionniste des démocrates face au quasi-libertarien McCain. L'origine sociale de Obama, son expérience dans les quartiers de Chicago, la focalisation de sa communication sur la politique intérieure, semblent adaptées à la conjoncture. A l'instar de Bill Clinton à Bush Senior en 1992, il pourrait lancer "it's the economy, stupid", au sénateur de l'Arizona qui lui, fait valoir ses galons en matière militaire et de politique extérieure, pour mieux dissimuler sa faiblesse sur "le social". Dans ce contexte, Obama pourrait se débrouiller pour ne pas souffrir d'une hémorragie trop importante de l'électorat blanc des classes inférieures.
Deuxième point fort: les afro-américains. Bien que Obama ne soit pas un noir au sens majoritaire au Etats-Unis (il est métis, fils d'un immigré récent, et donc non descendant d'esclave), il est fortement lié à cette communauté, par le caractère modeste des ses origines sociales, ses activités en faveur des droits civils à Chicago, et par le symbole grâce à sa couleur de peau et, point important, le fait que sa femme et ses enfants soient eux-aussi, afroaméricains. Ce lien lui a été reproché durant la campagne, le faisant apparaître comme un candidat de la minorité contre la majorité,  "les blancs qui travaillent dur", dixit Hillary. C'est vrai que les noirs ne constituent que 15% de la population nationale et qu'ils sont de toute façon, en gros acquis au parti démocrate. Mais Obama risque d'accentuer leur mobilisation électorale; de fait, beaucoup de noirs des Etats du sud ont entrepris de s'inscrire sur les listes électorales, formalité necessaire pour pouvoir participer aux primaires. Ce regain de participation en novembre est d'autant plus prometteur pour les démocrates qu'il met à jour un reservoir de voix peu actif jusqu'ici: les afro-américains, traditionnellement exclus de la vie politique et même du vote dans les Etats du Sud (en 1964 seulement la Contitution interdit l'exigence du paiment d'un impôt spécifique, alors en vigueur dans plusieurs Etats, pour pouvoir aller voter), connaissent des taux de participation nettement inférieurs au déjà faible 50% global. Une sensible augmentation du vote démocrate de la part des noirs pourrait mettre en jeu des Etats ces derniers temps reservés aux républicains par la majorité blanche, comme la Louisiane (où la mauvaise gestion fédérale face à Katrina a nourri la rancoeur face au gouvernement Bush) voire le Mississipi ou la Caroline du Nord, et compenser les pertes dans l'electorat rural dans certains Etats du Nord-Est (Pennsylvanie, Ohio, New Jersey).
Autre faiblesse structurelle de Obama, dont Clinton a usé et abusé : son caractère de Libéral, qui va de pair avec son identité afro-américaine. Mon impression personnelle est que Obama est bien plus liberal (=de gauche), qu'il ne veut bien le dire - ce qui ne veut pas dire que son éventuelle administration soit aussi volontaire que lui. Ce jeu de cache-cache constitue en soi une faiblesse, que Clinton ne s'est pas privée d'exploiter, et que les républicains vont se faire un plaisir d'explorer. Le long épisode médiatique qui a consisté à faire passer en boucle les déclarations provocatrices du pasteur de Barack Obama, Jeremiah Wright, et à pousser le candidat à renier celui-ci puis à quitter officiellement son Eglise, est un exemple marquant. Le pasteur en question a mis à l'épreuve la sensibilité nationaliste des étatsuniens en déclarant tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, et notamment ce qui se dit dans les Eglises noires (
ici, son discours de clarifications, qui n'a rien arrangé). Un discours politiquement contestable mais nullement extrémiste, qui ne fait que rappeler les crimes commis par les Etats-Unis contre les noirs au cours de l'histoire (esclavage, segregation jusque recemment) et leur profond et douloureux héritage aujourd'hui (exclusion sociale, inégalités économiques inchangées). Teinté de ce qui peu faire figure en Europe de bon sens: critique de la politique impérialiste à l'exterieur, et responsabilisation de cette politique en ce qui concerne le terrorisme islamique. En gros (à part l'allusion à une supposée responsabilité gouvernementale sur l' "invention du SIDA") ce qui pourrait faire figure d'un discours de gauche assez cohérent, bien que virulent, adapté aux défis de long terme de la patrie. On comprend que la proximité du candidat démocrate avec ce type de personnage pouvait faire problème. Obama a joué le jeu de la partie de cache-cache de façon formellement magistrale: discours historique sur le racisme, esquive des critiques sur son manque de patriotisme voire anti-américanisme via la condamnation des propos, puis de la personne, puis le départ de l'Eglise en question. Mais il reste que le problème est toujors là: pendant des années Obama a cotoyé ce pasteur, assisté à des messes et donc des sermons dans son Eglise, et n'a rien dit, donc les a approuvés. Les républicains ne manqueront pas de le souligner, et sans mentir: Obama est un noir, il est libéral, autant dire, presque révolutionnaire. Dans l'imaginaire collectif du pays, cela revient à être unamerican, un ennemi de la nation. 
Dans ce contexte, la candidature Obama est extrêmement fragile; mais Clinton en jouant sur cette fragilité a aussi pointé du doigt ce risque énorme. La campagne démocrate sera peut-être de ce fait mieux préparée contre de certaines attaques républicaines, qui béneficieront de la machine de guerre médiatique de l'establishment des entrepreneurs et des bien-pensants. De même, le déficit de Obama chez les blancs a été mis en évidence par les primaires; Obama devrait être conscient des obstacles qui jonchent le chemin de la Maison Blanche. A moins qu'ils ne soient absolument insurmontables, l'ampleur de ses ressources financières et de l'enthousiasme de ses troupes ne lui laisseront aucune excuse s'il ne contourne pas ces difficultés.

Quelques mots maintenant sur les défis concrets qui attendent le démocrate.
Avant tout: faire oublier le souci Clinton, c'est à dire renforcer sa candidature dans l'appareil et les bases du Parti démocrate. Rappelons que Clinton aura ferraillé jusqu'au bout pour nier la légitimité de la candidature de Obama, et en partie à juste titre: au fond, la nomination ne s'est jouée à rien. Elle est historiquement serrée, surtout du point de vue du vote populaire (les deux candidats remportent autour de 18 millions de suffrages, avec un avantage à Obama si on prend en compte les caucus et si on met de côté le vote biaisé en Floride et surtout au Michigan). Et malgré le statut de vainqueur quasi certain que lui ont conféré les média depuis plusieurs semaines, Obama n'a pas pu empêché Clinton de remporter des victoires très nettes jusqu'à la fin, comme à Puerto Rico il y a quelques jours (68% - 32%) et ce mardi en Dakota du Sud (dix points d'avance). Clinton, il faut le rappelé, a hérité des soutiens et de la popularié de son mari, ainsi que d'u travail de longue halaine ces dernières années. Cet enracinement a finalement très bien resisté à la vague Obama, et en particulier à son énorme supériorité financière.
Pour ce qui est du soutien des cadres du Parti, Obama ne devrait pas avoir trop de mal à assurer leur soutien et leur enthousiasme. Il a peu à peu, tout au long des primaires, gagné la majorité de l'establishment, s'imposant comme le candidat naturel, et mainetenant la seule opportunité de mettre fin à huit ans de présidence du Grand Old Party (le parti républicain). C'est de ce point de vue plutôt Clinton qui s'est aliéné beaucoup de monde, par son comportement irresponsable: après les déclarations ambigües de la candidate mercredi 4 juin, le trio Dean-Pelosi-Reid (chefs du parti, des représentants et des sénateurs démocrates, respectivement), auraient été
sur le point de proclamer Obama candidat.
Le problème est plus aigü du point de vue de l'électorat, et des supporters les plus acharnés de Hillary Clinton.  Ceux-ci (je parle des fonctionnaires de sa campagne, pas de l'électeur lambda)  pourraient plus ou moins consciemment miser sur une défaite de Obama en novembre afin de ne pas disqualifier leur candidate pour 2012, date présente dans les commentaires de bien des analystes.
Pour les rallier à coup sûr à sa candidature, et récupérer le soutien électoral dont a bénéficié l'ex-first lady, une option se présente au presumptive nominee: choisir Hillary comme son ticket, c'est-à-dire, son partenaire et future vice-présidente en cas de victoire.
Sur ce point, et plus généralement la question du choix du candidat à la vice-présidence, quelques commentaires. Passons sur le fait qu'il est peu certain que Clinton veuille de ce poste, pour le moins frustrant, voire humiliant pour celle qui a longtemps été la candidate évidente et inévitable au fauteuil de titulaire. Les implications politiques et électorales d'un tel choix sont importantes. Politiquement, cela signifierait donner une importance énorme au poste, réduisant d'autant le poids de Obama dans une administration future (qui plus est dans un contexte oú l'administration sortante s'est précisement caractériée par ce genre de division du pouvoir). Le potentiel de changement, réel ou virtuel, proposé par Obama s'en verrait sérieusement affecté. Electoralement ce serait aussi un coup dur pour le souffle d'enthousiasme qui a jusqu'ici caractérisé l'épopée Obama. Symboliquement, les républicains s'en serviront pour souligner la faiblesse de caractère du candidat, ayant cédé aux pressions de la perdante. Enfin, Jimmy Carter (je ne sais plus où je l'ai lu, désolé... pas de lien donc) et allé jusqu'à prévenir qu'accumuler sur un même ticket deux "minorités" politiques (un noir et une femme), avec tout ce que cela implique en termes d'handicap électoral, lui serait nuisible, tout comme la coexistence de deux personnalités de premier plan qui détruirait le principe de hiérarchie.
Pour toutes ces raisons, l'ironique
Hillary Deathwatch du site Slate.com donne 0.0 % de chances à l'ex-candidate de figurer sur le ticket.
Des figures politiques secondaires du type John Edwrds, ou si possible une personnalité aguerrie sur le terrain des affaires étrangères, serait sans doute préférable...

Affaire à suivre.

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M
Hey Martinou!<br /> Je profite de ce "post" qui date du 5 juin pour te souhaiter un Happy (belated) Birthday! Oui, je sais, je suis très en retard, mais je suis en vacances depuis un mois et j'ai du mal à savoir quel jour on est quand je ne fais pas grand chose (pour l'instant). Enfin bref...<br /> Pour me faire pardonner, je t'envoie le lien pour voir/écouter la dernière chanson du dimanche, intitulée "Ô Barack" (je reste dans le sujet de ton article) http://www.myspace.com/lachansondudimanche<br /> Sur la même page, tu pourras aussi découvrir les maintenant célèbres "Super pouvoir d'achat" et "Petit cheminot".<br /> Allez, à bientôt!
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