Montée des xénophobies et autres autoritarismes

Publié le par Martin

La lecture de la presse de la pensée dominante libérale peut être étonnemment utile. Parfois. Par exemple l'édition européenne de Newsweek. Dans son dernier numéro (du 26 avril 2010), un article traite de l'essor des discours xénophobes en Europe.

En Hongrie, le parti de droite vient de remporter la majorité absolue des suffrages et des sièges du Parlement. En surfant notamment sur une vague d'antisémitisme. Non sans un coup de pouce du désormais troisième parti du pays, l'extrême droite, encore plus virulente. Dans les discours le capital juif est présenté comme un des responsables éminents de la cagasse économique dans laquelle nous sommes plongés (et les hongrois, tout particulièrement).

Les sorties de certains membres du nouveau parti gouvernemental rivalisent largement avec celles, mettons, du FN chez nous. Et encore, si on veut vraiment comparer, le FN se montre relativement modéré.

En France on a tendance à présenter le vieil antisémitisme chrétien comme disparu ou presque. Pour mieux accuser les beurs et autres basanés de représenter le nouvel antisémitisme, la nouvelle menace dont la civilisation et en particulier les minorités juives, et Israël, seraient les victimes.

C'est se tromper lourdement. Ce qu'on appelle en France le nouvel "antisémitisme" provient d'une minorité aliénée. Cet antijudaïsme ou antisémitisme ou autre, je ne sais pas quel terme convient (ni si un terme unifiant est nécessaire), n'a rien à voir avec le vieil antisémitisme. Ou disons plutôt, l'antisémitisme traditionnel, car il est encore bien là. Raymond Barre nous l'avait récemment rappelé en France. Cet antisémitisme, qu'on peut quand même juger fortement affaibli ici en France, est le fait sinon d'une majorité numérique du moins d'une majorité au sens culturel : ce sont les vieux nationalismes qui resurgissent. Classes moyennes, supérieures, populaire, blanches, conservatrices. C'est très clair en Hongrie où la xénophobie s'attaque autant aux Tziganes qu'aux Juifs. Ces xénophobies et en particulier cet antisémitisme sont donc dangereux : de nature "mainstream", ils sont susceptibles de se traduire au niveau institutionnel.

Leur traduction est d'ailleurs avérée. Il suffit de jeter un oeil aux politiques d'immigration aujourd'hui en Europe. Au statut des Tziganes et Romanichels. D'écouter les débats entre formations politiques. La semaine dernière par exemple, sur le plateau de la BBC, Brown, Cameron et le pseudo-libéral Clegg rivalisaient d'inventivité pour limiter l'entrée d'immigrants sur le sol national. Je veux dire, d'africains et d'asiatiques, car il est évident que les ingénieurs et médecins caucasiens seront toujours les bienvenus.

En somme, j'ai la trouille. On se rassure depuis des décennies en disant que "nous sommes en démocratie !". Assertion qui a encore gagné en crédibilité depuis que la pseudo alternative soviétique et la critique communiste qui allait avec  se sont évanouies en fumée. Puisque, nous dit-on, nous sommes dans des régimes par nature démocratiques et libéraux (c'est-à-dire des démocraties libérales, comme on dit), il n'y a aucun risque ! Il faudrait une rupture brutale, quelque chose comme un coup d'Etat... ou une invasion étrangère, pour que des autoritarismes se mettent en place. Et les phénomènes de privation abusive de liberté seraient des pis-allers, des épiphénomènes. Nous parlons là des CRA, du refoulement des immigrés vers la Libye, des prisons surpeuplées, des internements psychatriques à la pelle.

Le problème c'est que la "démocratie libérale" ou les régimes qualifiés comme tels, peut très bien s'accomoder de l'installation progressive des bases d'un ultérieur régime autoritaire. En devenant elle-même de moins en moins libérale, de moins en moins démocratique. On l'a vu dans les années 1930 avec l'ouverture de camps de concentration (c'était le terme utilisé à l'époque déjà) dans le sud de la France pour y parquer les espagnols. Espagnols qui se trouvaient être républicains, révolutionnaires, bref subversifs.

Je crois que nous nous retrouvons dans une conjoncture historique similaire. Nos institutions n'étant pas à même de gérer démocratiquement et solidairement les difficultés sociales, environnementales, psychologiques, qui s'accumulent, le recours à l'autorité unilatérale sera de plus en plus fréquent pour trancher le noeud gordien du désordre. Les mécanismes tels la biométrie, puces RFID, technologies génétiques, nanos, fichages, videosurveillances, sont autant de menaces.

A bientôt, pour voir.

Publié dans Archives 2007-2010

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